Invité par le Palais de Tokyo, musée d’art contemporain, The Soft Protest Digest a pris part au «Banquet», un dîner organisé par la musée dans le cadre de l’exposition «Futur, ancien, fugitif», dédiée à la scène artistique française. Le collectif a donc servi le 20 novembre 2019 un entremets et un dessert aux 150 convives réunis pour l’occasion autour de l’escalier du palais. Ces plats étaient intitulés «Spore» et «Pollen».

Chacun d’entre eux servait d’illustration à la problématique relevée : le rôle majeur des organismes «invisibles», souvent méprisés, dans notre environnement. «Spore» s’attachait par exemple à décrire les diverses utilisations des champignons et levures dans la production de nourriture, ainsi que leur prévalence dans l’écosystème terrestre à travers leur collaboration active avec les plantes. «Pollen», de son côté, s’attaquait à l’effondrement actuel de la biodiversité des pollinisateurs à travers le prisme de l’abeille. Ce plat a conduit le collectif à travailler avec l’apiculteur et biologiste Julien Perrin, basé en Essonne, à 40km de Paris. Il a participé au podcast «Une abeille open-source pour un environnement empoisonné» que nous avons enregistré pour l’occasion.

Pour encourager l’empathie envers les insectes, nous avons par ailleurs tâché de décrire un «Umwelt»* de l’activité de l’abeille dans la ruche, à la première personne. Ce texte a été écrit par le collectif et évalué au mot près par Fanny Rybak, biologiste et chercheuse au CNRS, spécialisée dans la communication inter-espèces.

*La perception cognitive d’un environnement par une espèce donnée.

Spore ♦ Ce plateau à partager est composé de brioches noires, de moliterno (pecorino sarde) et de sauge soufflée cristallisée. Modelée comme des cellules de levures, cette brioche au levain était produite sans œufs, ni lait ou beurre, qui étaient remplacés par de la crème d’avoine et de l’aquafaba*. Pour améliorer leur texture après cuisson, les brioches étaient injectées d’huile de noix. Plusieurs espèces «invisibles» ont été utilisées dans cet entremets: Tout d’abord, S. Cervisae et une multitude d’autres levures sauvages présentes dans le levain de la brioche. Ensuite, les propionibacteriums et levures sauvages qui permettent au lait de brebis de devenir fromage. Enfin, la sauge peut, au contraire, servir d’antidote pour protéger le pain des moisissures.

*L’eau obtenue après cuisson de haricots secs.

Pollen ♦ Les chebakias* au sarrasin du dessert sont fris, glacés et conservés dans le miel des abeilles de Julien Perrin, puis saupoudrés du pollen des mêmes abeilles. Ces pâtisseries fragiles étaient accompagnées d’une crème d’avoine battue au miel et à la vanille-factice*, et de raisins rôtis salés. Ce plat comprenait délibérément une grande variété de plantes pour illustrer notre lecture sur l’effondrement de la biodiversité des insectes pollinisateurs du fait des mono-cultures. Les mono-produits et cultures ont été évitées autant que possible avec les plantes suivantes : sarrasin, blé, pomme de terre, cacahuète, tournesol et olivier.

*Le chebakia est une pâtisserie du Moyen-Orient typiquement dégustée pendant le Ramadan.
**Les graines de vanille étaient imitées par une poudre de sésame noir déshydratée, nous dispensant d’user d’une ressource exotique déjà surexploitée.